Spectacles de contes
Spectacle “Contes de Glaise “
Chaque tableau raconte une histoire,
Les peintres avec la matière et le trait,
Anne Kovalevsky, la conteuse avec les mots, donnent à voir et à rêver.
"Le cheveu et la rivière",
oeuvre de Reena Valvi Umbersad,
Tribu Warli (état du Maharashtra, Inde)
Texte mis en forme par Anne Kovalevsky
Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept…. Sept filles.
Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept…. Sept garçons
Sept filles et sept garçons, tous frères et sœurs.
Chacun sachant exactement ce qu’il avait à faire.
Aller chercher du bois, s’occuper des bêtes, aller chercher de l’eau à la rivière, faire de la farine de riz, donner à manger aux poules, aller au marché, prendre du bon temps…
Ce matin là, frères et sœurs vont se baigner à la rivière. Sur le chemin qui mène à la rivière, les filles sont devant avec leur dupatta, leur voile de toutes les couleurs. C’est comme un morceau d’arc-en-ciel descendu du ciel. Les garçons, derrière, vont un peu plus loin sur la rivière, là où le courant est plus rapide.
Pendant tout un moment, le chant de la rivière répond au chant des filles et au chahut des garçons..
Sur le bord de la rivière, la plus jeune des filles est en train de se coiffer.
Elle a les cheveux infiniment longs… des cheveux magnifiques aux reflets de soie d’or et d’argent. Elle se coiffe et un de ses cheveux si long tombe dans la rivière.
Voyant son cheveu dans l’eau, elle l’appelle :
Mon beau cheveu d’or et d’argent, revient vers moi, ne t’en va pas !
Si tu t’emmêles, un piège pour les poissons tu deviendras !
Mais le cheveu ne revient pas…
Elle saute dans la rivière et récupère son cheveu. Délicatement elle en fait une rosace qu’elle dépose sur un bateau fabriqué avec quelques feuilles d’arbre. Elle pose son bateau sur l’eau et le voilà qui part au fil de l’eau. Fragile navire pour une rosace de soie d’or et d’argent…
Plus loin sur la rivière, les garçons jouent, chahutent… Tout à coup, l’un d’eux tend le bras vers le ciel :
Regardez !!
Au dessus de leurs têtes, des oiseaux volent en dessinant un cercle. C’est étrange. Leurs parents leur ont toujours dit que lorsque les oiseaux volent en cercle, c’est que quelque chose d’important va se passer
Les garçons regardent tout autour d’eux et le plus jeune voit le fragile navire chargé de soie d’or et d’argent. Il le prend et regarde la rosace délicate. A qui peut être ce cheveu si beau ?
Nul ne le sait !
Un cheveu si beau ne peut appartenir qu’à la plus belle des femmes !
Le garçon se perd dans la contemplation de ce cheveu, il le regarde, il le touche, il le respire… Il le… non, il ne le mange pas.
Mais sa décision est prise. Il retrouvera celle à qui appartient ce cheveu et il l’épousera !
Et pour être sur de cela, prenant ses frères à témoin, il s’adresse à la divinité de la rivière :
Oh ! Toi divinité de la rivière, qui a permis que ce cheveu vienne jusqu’à moi, je m’engage devant toi à retrouver celle à qui il appartient et à l’épouser sous ta protection.
Promesse à une divinité … qui ne devait pas être prise à la légère !
Le soir, frères et sœurs se sont retrouvés … Et biensûr, le cheveu d’or et d’argent a été évoqué ! La sœur a dit que ce cheveu était le sien.
Le plus jeune des frères s’est tourné vers elle et lui a dit :
Si ce cheveu t’appartient, tu dois m’épouser, je l’ai promis à la divinité de la rivière !
En entendant cela, la jeune fille a répondu :
Mais les frères n’épousent pas leur sœur ! Cheveu ou pas cheveu, promesse ou pas promesse, les frères n’épousent pas leur sœur !
C’est le père qui finalement a conclu :
Une promesse à un Dieu doit être respectée… Ma fille tu épouseras ton frère !
Epouser mon frère ? Jamais ! Je préfère me jeter dans le puit et mourir !
Et elle part en courant. Elle croise sur le bord du chemin un homme et une femme. Ce ne sont pas un homme et une femme ordinaires, ce sont des divinités descendues sur la terre.
Ils s’adressent à la jeune fille :
Où vas tu si vite belle enfant ?
On me dit d’épouser mon frère, mais je ne veux pas, je ne peux pas. Les frères n’épousent pas leur sœur. Mais je ne peux rien contre une promesse faite à une divinité, alors, je préfère mourir et me jeter au fond du puits.
L’homme et la femme lui tendent une graine et lui disent :
Prend cette graine, plante la, arrose la et couche toi dessus. Aie confiance : plante, arrose et couche toi sur la terre.
La jeune fille s’approche du puits, elle plante la graine, l’arrose et se couche dessus. A cet instant, la graine se met à pousser, pousser, pousser. Et c’est bientôt un arbre qui s’élève droit vers le ciel. Et la jeune fille se retrouve tout en haut de l’arbre.
Biensûr, frères et sœurs sont sortis de la maison et la cherchent, l’appellent… Mais elle ne répond pas. Mais l’un d’eux la voit tout en haut de l’arbre
Ils appellent, et l’arbre pousse, ils appellent encore et l’arbre pousse encore ! L’un des frères propose d’aller chercher une hache pour couper l’arbre.
Pendant ce temps là, l’arbre continue de pousser, pousser et arrive bientôt plus haut que le dessus des nuages.
Et le maitre des lieux, le prince du ciel en personne arrive sur son carrosse. Et là : coup de foudre à Bollywood ! ça crépite, ça palpite, ça s’agite ! Et assez vite, ça cohabite !
La belle est heureuse. Le monde est beau vu d’en haut et elle fait son miel de sa vie avec son prince du ciel… Le bonheur, c’est bien, mais c’est encore mieux si on peut le raconter… Elle aimerait tellement raconter à ses sœurs toutes les merveilles de sa vie avec le prince du ciel…
Le prince du ciel la prévient : Si tu retournes voir ta famille, il y aura un prix à payer…
Peu importe le prix, elle a trop envie de descendre sur terre.
Une nuit, ils redescendent, elle entre dans sa maison. Tout le monde est endormi, elle dépose un cadeau à la tête de chaque lit.
Le lendemain matin, tous et toutes se réveillent et voient le cadeau.
Notre sœur est venue ! elle ne nous a pas oubliés !
Tout le monde est heureux … Tout le monde ? Non. Le plus jeune des frères ne s’est pas réveillé. Il a été mordu par un serpent pendant la nuit. Il est mort…
Mort, car les frères n’épousent pas leur sœur.
Le plus jeune frère a été brulé comme le veut la tradition. L’histoire dit que son âme est montée au ciel.
Peut être a-t-il rencontré sa sœur ?
Peut être sait-il désormais que les frères n’épousent pas leur sœur.
Pour retrouver les précédents contes :
"Le prince des eaux", cliquer ici.
"Le sarhul", cliquer ici
"La vengeance du rat", cliquer ici
"La naissance du bada", cliquer ici
"L'Ecoutant et le Racontant", cliquer ici
"Le bandicoot", cliquer ici