Peintures Madhubani
Les peintures de Madhubani tiennent leur appellation de la petite ville éponyme de l’Etat du Bihar, au Nord de l’Inde et à proximité de la frontière avec le Népal. On les appelle aussi peintures de ‘‘Mithila’’ du nom de la région. La langue locale est le ‘‘mithili’’. Aujourd’hui encore, autour de la ville de Madhubani, on trouve des maisons aux façades ornées de peintures dans les villages de Ranti, Jitwarpur, Simri, etc.
Autour du village de Ranti
Les peintures de Madhubani sont des peintures populaires, non tribales. Les thèmes des illustrations sont souvent liés aux mythologies hindoues. Selon la tradition, la pratique picturale serait née à l’époque du Râmâyana, lorsque le roi Janak avait demandé à des artistes de réaliser des peintures pour le mariage de sa fille Sita avec le dieu hindou Rama.
Jusqu’au milieu du XXe siècle, les femmes de cette région peignent sur les murs des dessins naïfs. Les sources d'inspiration sont diverses, religieuses ou profanes : représentations de dieux et déesses, représentations tantriques magiques, scènes mythologiques, plantes et animaux... Les principaux thèmes étant toutefois ceux de :
- Sita et Rama (en référence à l’origine présumée de la tradition picturale),
- Krishna et Radha (l’amour sublimé selon toutes ses facettes),
- Ganesh (le dieu-éléphant auspicieux et généreux),
- Sarasvathi (la déesse des arts),
- Ardhanarishwara (union du principe masculin transcendant ‘’purusha’’ et du principe féminin ‘’shakti’’ ou énergie à la source de toute création),
- Kali (puissance capable de détruire le démon qui se regénère à chaque goutte de sang coulant de ses blessures),
- mais aussi des thèmes plus proches de la nature tels les arbres de vie, etc.
Un des murs bordant les jardins de la " governmental house" de Madhubani
Parmi toutes ces peintures, les plus singulières sont celles que l’on peut encore trouver sur les murs des chambres nuptiales appelées ‘‘Kohbar Ghar’’. Elles ont pour but de bénir l’union du couple sur les thèmes de l’amour et la prospérité.
La peintre Shanti Devi dans la chambre nuptiale
Chaque élément d’illustration est chargé de symboles. Les cercles représentent la sexualité féminine, le bambou évoque la lignée patrilinéaire, l’eau et les poissons figurent la fertilité, les oiseaux et les serpents représentent l’amour et l’union… Selon la tradition, les nouveaux mariés doivent passer trois nuits dans le ‘‘kohbar ghar’’ sans consommer le mariage’’. La quatrième nuit, l’interdit serait levé…
Mais le style ‘’kohbar’’ et la pratique de la peinture nuptiale ne sont pas les seules caractéristiques des peintures de Madhubani. Il s’agit en réalité d’une expression ombrelle pour désigner différents styles, chacun provenant d’une caste particulière :
- Le style ‘’bharni’’ provient de la caste des Brahmines (caste élevée) et propose des peintures richement colorées. C'est le style le plus célèbre de la peinture madhubani. Le mot ‘‘bharni’’ signifie remplissage. Toutes les surfaces doivent être remplies par des couleurs vives et vibrantes. Les thèmes des illustrations font souvent référence au Ramayana ou au Mahabharata (les grandes épopées de l’Inde).
Arbre de vie de Manisha Jha et Ardhanarishwara de Bipush Karak
Le style ‘‘katchni’’ provient de la caste des Kayasth (caste intermédiaire) et propose des peintures en monochromie ou bichromie à dominante rouge. L’attention est portée sur le travail de la ligne (‘’katchni’’ en hindi), les teintes sont douces . Les évocations sont aussi issues de la mythologie.
Style "Katchni" de Bimla Dutta
- Le style ‘‘Godna’’, d’origine plus récente, provient de la caste des Dusadh (basse caste) et propose des peintures composées principalement de tatouages appelés ‘‘godna’’. Ces peintures, en grande partie composée de lignes, de cercles concentriques et emplis de motifs inspirés par la flore et la faune, étaient réalisées à l’aide d’une plume de bambou et d'encre noire. Ce style a évolué au fil du temps pour inclure l'utilisation de gammes de couleurs végétales conçues à base de fleurs, de feuilles, d’écorces, de fruits... Les thèmes des peintures se sont également développés pour y inclure des scènes de leur vie quotidienne et de leur pratique rituelle. Les divinités propres à leur caste y côtoient les représentations d’esprits issus de croyances animistes.
Le style "Godna" d'Urmilla Devi
En marge de cette répartition par style selon les castes, existe toujours un autre style d’inspiration tantrique, mais il est réservé à quelques rares initiés.
Mahakali de Sangeev Kumar Jha (inspiration tantrique) et Yantra de Shanti Kumar (inspiration tantrique)
En tant qu'art contemporain, la peinture de Madhubani est vraiment née au début des années 1960, à la suite de la terrible famine du Bihar. Les femmes de Mithila furent alors encouragées à exercer leur art sur papier (ou quelquefois sur toile) afin de suppléer à leurs maigres ressources. Le talent des femmes de Mithila fut rapidement reconnu. Leurs travaux furent achetés par des collectionneurs d'art traditionnel avant d’atteindre une plus large diffusion jusqu’à devenir un véritable effet de mode avec les avantages et les inconvénients que cela suppose : un plus grand nombre d’artistes peuvent vivre maintenant de leurs travaux, mais il suffit de se rendre au célèbre marché d’artisanat populaire ‘‘Dilly Haat’’ à New Delhi pour se rendre compte de la profusion de peintures de piètre qualité.
Heureusement, quelques peintres ont réussi à émerger. Les peintures de Madhubani ont obtenu leur pleine reconnaissance grâce à des artistes maintenant disparus : Ganga Devi, Baua Devi, Sita Devi…
Mais d’autres prennent la relève et si, aujourd’hui les hommes peignent aussi, la pratique de cet art reste majoritairement féminine.
Chandrakala Devi et Ruby Sharma
Toutes ces femmes et tous ces hommes de talent contribuent à un développement respectueux des traditions en apportant de nouvelles richesses graphiques et thématiques.
Ainsi peut-on citer Manisha Jha. Née en 1968, elle passe sa jeunesse à Satlakha où sa mère et sa grand-mère, de la caste brahmine des Maithil, lui transmettent leur savoir leurs techniques. A la fin de ses études, Manisha Jha devient architecte. Grâce à la maîtrise conjuguée des langages picturaux traditionnels et la pratique de l’architecture urbaine, Manisha apporte un souffle particulièrement créatif à l’art contemporain indien ; elle est reconnue pour l’inventivité de ses recherches autour de l’arbre de vie. Elle aime répéter que l’arbre est essence de vie, c’est-à-dire au centre de la vie sociale comme au coeur de la vie spirituelle. Ses œuvres mêlent différentes temporalités et elle n’hésite pas à jouer de symboles graphiques éloignés de son champ culturel. L’arrière-plan de ses œuvres est souvent recouvert d’une dilution de bouse de vache en hommage à l’animal sacré.
Manisha Jha et son oeuvre "Bénarès, Hommage au Gange"
Soucieuse d’un développement pluriel des peintures de Madhubani, Manisha est un être unique. Elle rassemble autour d’elle, dans son atelier à New-Dehli, des femmes peintres issues de castes et traditions picturales différentes : Chandrakaladevi, Ruby Sharma, Ranju Devi…
Oeuvres de Manisha Jha (cliquer sur l'image pour l'agrandir)
Oeuvres de Chandra Kala Devi (cliquer sur l'image pour l'agrandir)
Oeuvres de Bipush Karak (cliquer sur l'image pour l'agrandir)
Oeuvres de Urmilla Devi (cliquer sur l'image pour l'agrandir)
Oeuvres de Ram Kumari (cliquer sur l'image pour l'agrandir)
Oeuvres de Sanji Devi (cliquer sur l'image pour l'agrandir)
Oeuvres de Saroj Jha Kumar (cliquer sur l'image pour l'agrandir)
Oeuvres de Devendra Kumar Jha (cliquer sur l'image pour l'agrandir)
Oeuvres de Sangeev Kumar Jha (cliquer sur l'image pour l'agrandir)
Oeuvres autres peintres (cliquer sur l'image pour l'agrandir)